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LES PSYCHO TRAUMAS HORS RADARS

Christelle Charlier

L’invisibilisation d’une réalité dérangeante


psycho trauma

Il y a une question qui m’a longtemps taraudée concernant les psychos traumas : comment se fait-il qu’ils soient restés en dessous des radars depuis si longtemps ?


C’est pourtant un enjeu de modèle de société puisqu’une personne « déséquilibrée » par ce qu’elle a vécu subira des conséquences plus ou moins importantes sur sa santé physique et mentale.


Certaines guériront plus vite que d’autres et d’autres n’y arriveront jamais.


Les impacts sont multiples, touchent les gens qui les entourent car ils peuvent avoir des réactions émotionnels et comportementales qui peuvent aller jusqu’à la reproduction du traumatisme qu’ils ont vécus perpétuant de fait la souffrance sur la ou les générations suivantes.


Sans compter ce que l’épigénétique (branche de la biologie) a montré, à savoir, que les traumas peuvent altérer l’expression des gènes qui seront alors transmis aux descendants, les prédisposant à des troubles émotionnels, la dépression, l’anxiété.

 



Pourquoi minimise-t-on les psycho-traumas ?

Différents facteurs conduisent à minimiser voire à ignorer l’existence des psychos traumas. Le plus simple à comprendre et le plus facile à accepter est que face à l’horreur de cette violence, il est difficile pour beaucoup de comprendre et d’accepter qu’elle existe.


Notre cerveau, machine bien huilée, va induire des comportements types déviant l’information qui serait, pour être explicite, comme se prendre une grenade en pleine tête.


Ces comportements sont inconscients, c’est un mécanisme de survie qui conduit à :

  • Minimiser, décrédibiliser, ce qui arrive à une victime : elle exagère ou alors son cas est particulier

  • Prendre le parti de l’agresseur car admettre la réalité serait trop insupportable et créerait une dissonance cognitive.

  • Chercher des arguments qui n’ont rien à voir avec le sujet pour détourner l’attention et éviter d’affronter la réalité.

  • Justifier de la situation plutôt que de nier directement la souffrance d’une victime, on cherche des raisons qui expliqueraient pourquoi cela lui est arrivé : « elle n’aurait pas dû être là », « il aurait dû se défendre ».

  • Etc.

 

Toutes ces stratégies sont des mécanismes de défense inconscients destinés à éviter la douleur ou la remise en question d’un cadre de pensée rassurant.

 

 



Le tabou des violences intra-familiales

J’insiste sur ces moyens de détournement que l’on peut lire régulièrement sur les réseaux sociaux quand il s’agit notamment de cas d’enfants retirés à leurs mères et confiés à leur père alors qu’il a été prouvé qu’il est l’agresseur.


Ces stratégies inconscientes sont particulièrement utilisées dans le cas de violences sexuelles d’un père sur ces enfants.


Dans le cas d’une agression physique quelle qu’elle soit par un (e) inconnu (e), nous sommes quasiment tous solidaires avec les victimes même si les solutions apportées sont exactement du même acabit que les comportements dont je vous parle ici…


Une des propositions faites sur les réseaux sociaux est un retour à un patriarcat traditionnel, sans s’occuper des conséquences sur les libertés des femmes ni du fait que plus de 30% des agressions sexuelles sont perpétrées par les conjoints et ex conjoints …, 80% des agressions sexuelles d’enfants sont faites par les membres de la famille proche.


Donc encore une fois la réalité est niée et donc les solutions apportées ont pour objet de passer à autre chose et non de résoudre le problème.


Car quand cela touche le cadre intrapersonnel, c’est beaucoup plus difficile puisque on touche là à un tabou familial intergénérationnel… et sociétal.


Pour beaucoup d’entre nous, c’est inconcevable.

 



Le processus de prise de conscience

Moi qui fus frappée pendant mon enfance, il m’a été, pendant longtemps, extrêmement difficile de concevoir qu’un adulte puisse s’introduire dans un de ces petits êtres angéliques.


Mon argument pour accepter finalement la maltraitance de ces enfants a été de penser que ces femmes qui parlent de plus en plus de leur situation étaient des cas particuliers ou encore de rejeter purement et simplement l’information car la souffrance que cela me provoquait était insupportable.


Comment ai-je fait pour regarder cela en face ? en travaillant mes propres failles intérieures alors j’ai pu voir cette réalité sans qu’elle ne me fasse souffrir démesurément.


Malgré cela tout le monde n’est pas équipé pour entendre ce genre de choses, et entendre tout.


Car soyons parfaitement clair, regarder cela en face est toujours douloureux, on prend une part de la charge énergétique de l’horreur de l’histoire traumatique.


La question des psychos traumas ne peut se résoudre sans une prise de conscience individuelle de cette réalité qui se perpétue de générations en générations sans forcément entrer dans des détails sordides.


On ne peut changer collectivement le déni des psychos traumas qu’en en devenant conscient individuellement et en dépassant nos limites psychologiques car sinon nous allons continuer à appliquer ces stratégies déviantes.


« On ne peut changer que ce dont on a conscience » comme disait mon instructrice en coaching.


Ce déni collectif ne se limite pas aux individus : il se reflète aussi dans les institutions et les choix politiques. Car si nous nions l’existence des psycho-traumas à l’échelle individuelle, comment attendre une véritable prise en charge à l’échelle sociétale ?


On ne peut assurer un traitement sociétal du problème du trauma dans son ensemble sans traitement d’abord individuel.


Ainsi collectivement nous induirons une action politique qui actuellement est quasi inexistante car les traumatisés sont utiles à un système productiviste, courtermiste et guerrier…


Et certains penseront peut-être que « quasi inexistante » veut dire quoi qu’il en soit que l’on fait quelque chose, « c’est déjà pas mal » comme on dit, une autre stratégie de déni de la réalité.

 



Freud et les autres facteurs de minimisation des traumas

D’autres facteurs participent amplement à minimiser l’existence des psycho traumas et nous aborderons cela dans le prochain article dans lequel nous parlerons de Freud qui en 1er lieu avait théorisé le trauma réel puis a retourné sa veste pour une théorie plus acceptable par la société de l’époque via sa théorie du fantasme.


Il a ainsi participé à minimiser la parole des victimes puisque selon cette théorie il s’agirait d’un conflit interne aux victimes et non d’un évènement qui se serait réellement produit.

On lui doit aussi la croyance que les femmes ont pour fantasme le viol, merci Sigmund…

 

Mais Freud n’est pas l’unique autre facteur car :

  • Les politiques ne s’emparent pas du problème comme je l’ai mentionné plus haut,

  • La guérison des traumas ne fait pas le beurre de l’industrie pharmaceutique, de l’IA médicale etc.

  • En bref il y a des enjeux économiques qui supposent une soumission de la population et les psycho traumas sont du pains bénis pour satisfaire ces enjeux

  • Et puis il y a les agresseurs qui ne sont pas soignés alors que nombre d’entre eux sont ce qu’ils sont par ce qu’ils ont eux aussi subi des violences enfants, ou vécu une expérience traumatique tels certains soldats.

 

« Soyez vous-même le changement que vous voudriez voir dans le monde » Gandhi

Pour conclure,

Malgré toutes les personnes qui en parlent, les psycho-traumas restent encore largement invisibilisés. Cette réalité ne tient pas uniquement à un manque d’informations, mais aussi aux mécanismes psychologiques individuels et collectifs qui rendent leur reconnaissance difficile.


La question qui se pose alors est la suivante : comment faire en sorte que cette réalité soit enfin pleinement entendue ? Comment permettre à ces voix, qui existent déjà, d’avoir un véritable impact ?


La création d’un MeToo des psycho-traumas pourrait-il aider ? je n’ai pas la réponse à cette question.


Nous poursuivrons cette réflexion dans un prochain article, en explorant notamment comment des figures comme Freud ont contribué à façonner cette invisibilisation mais aussi les enjeux économiques sous-jacents.


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